Mercredi soir, sixième soirée de festival. Il commence à faire long, urgent besoin d’organisation et de clarté pour remédier à la fatigue rampante de notre équipe. Briefing: les vidéastes partent en micro-trottoir (résultat demain), Didier s’occupe de la moiteur afro du chapiteau (résultat demain), et de mon côté j’embarque mon carnet de notes au Next Step et au Temple. Menu de la soirée et d’un nouveau texte indigeste: la création tant attendue d’Olivia Pedroli, et le duo de choc entre Yaron Herman et Michel Portal.
Ça cafouille un peu à l’entrée mais j’y arrive malgré tout. Le concert a commencé depuis 20 minutes, dans un Next Step plein comme un oeuf. Olivia n’est pas encore sur scène, ses nouveaux comparses s’y battent entre eux. À ma droite le producteur de Bjork, à ma gauche le tromboniste de Sigur Ròs en train de chanter. Autant dire que pour sonner islandais ça sonne pas mal islandais, et que je m’accroche aux aigus avant de retirer l’échelle. Pas facile, pas si long. C’était juste histoire de contextualiser, et dans ce sens là j’accepte parfaitement. On entre dans le nouvel univers de la chanteuse neuchâteloise par ce sas d’entrée, soit. Lors du premier morceau où elle apparait au milieu de son nouveau terrain de jeu (sous des braillées hystériques, d’ailleurs, non mais franchement ?!), on comprend immédiatement l’idée. Et le coup de génie.
Trait d’union magique entre sa voix et ce monde électro-couillu islandais, on ne tarde pas à voir où elle veut en venir. C’est elle qui sera mise en avant pour le reste de la représentation, très en avant malgré le nombre d’instruments qui lui servent de moelleux tapis pour s’épanouir. C’est très mélodique, c’est très poétique. C’est d’une intelligence pointue, ce projet et ce magnifique saut en avant pour sa carrière. Olivia Pedroli a prouvé sur la scène qu’elle a fait un choix parfaitement pertinent de musiciens rodés et expérimentés pour lui permettre son envol, qu’elle a su se poser les bonnes questions à un moment crucial de son brillant parcours. Une seule chose à redire pour ma pomme, le titre de ce nouvel album: The Den, la tanière, drôle d’idée de s’enterrer et de vouloir se cacher du ciel rayonnant qui s’annonce pourtant au-dessus de sa tête !
Allons. On pousse la porte du Temple, et voilà à nouveau la ponctuation qui nous échappe. Diantre ! Reclus au fond pauvre mécréant de staff, sacrifice de son corps stigmatisation de ses yeux perte du prédicat de la vision mon dieu jamais je n’aurai vraiment vu un artiste dans cet endroit seulement entendu, un Temple de l’écoute en réalité heureux ceux qui y voient clair au choeur de l’histoire ce n’est pas mon cas. Yaron était déjà là l’an passé seul il a dompté l’endroit il a cette fois de la réplique, ma foi c’est une rhétorique dont il s’agit un véritable échange une alchimie ça c’est bateau plutôt une mathématique qui régit ces premiers morceaux une genèse plutôt abstraite plutôt indigeste puis peu à peu patiemment un lien une écoute et une compréhension magnifique de ces éclats de clarinette dont il tire la structure rythmique harmonique pour s’entêter dans la redite et dans la construction d’une cohérence qui tient et dure qui devient à son tour commencement, développement, conclusion. Début de dialogue accessible clé d’entrée et somptueuse cohérence mais vite et moins bien difficulté et obstacle à l’écoute fatigue bien entendu mais aussi complexification et probablement peine réciproque, c’est moins clair c’est moins limpide mais pas moins dégustable on essaye d’en profiter et tout s’écroule. Apothéose et pinacle lors de la logique inclusion du lieu, c’est à l’orgue qu’il s’attaque ça coule de source mais attention il fait ça tellement bien qu’on y voit goutte et tout coule limpide lorsqu’il joue tel un organiste rompu et ressassé pour permettre un nouvelle fois explosion de clarté et de bonheur auditif, n’en jetez plus Radiohead est de retour et comment !