Touche à tout, le musicien chaux-de-fonnier assure la résidence au caveau tHBBC durant tout le Cully Jazz Festival. Rencontre.
Vendredi, sur le coup de 17h, Louis Jucker procédait aux derniers réglages avant la première des cinq soirées qui le verront se produire, seul ou accompagné, lors de ce Cully Jazz Festival 2018. Touffe de cheveux en bataille, barbe fournie, pieds nus, le trentenaire peaufinait quelques morceaux sur la scène du tHBBC, entouré de ses potes de Coilguns. Une formation qui ne colle pas forcément à l’image communément véhiculée par le jazz.
En effet, le répertoire du quartet chaux-de-fonnier s’articule entre métal et hardcore punk. Une inspiration puisée directement dans la culture musicale de la cité horlogère: «Ce qui se fait dans cette ville, c’est plus du blues, rock, trash, punk que des trucs très à la mode, explique Louis Jucker. Le Bikini Test est un club très actif à La Chaux-de-Fonds. Au moment de la fondation de ce lieu (ndlr: 1992), les groupes de la ville étaient fans de références du rock alternatif et du punk, comme Sonic Youth ou The Gun Club.» Ceci explique sans doute cela.
Même s’il vit à Lausanne depuis plusieurs années, le musicien considéré par beaucoup comme l’un des plus passionnants de la scène suisse conserve un lien très fort avec sa ville d’origine. «Là-bas, il y a une bonne énergie et pas trop d’argent, constate-t-il. C’est deux choses qui vont bien ensemble.» Et s’il devait vous faire visiter sa Chaux-de-Fonds à lui, Louis Jucker aurait déjà un programme en tête. «On irait faire l’apéro à l’ABC, c’est un centre culturel, qui propose autant de la musique que du cinéma, du théâtre ou de la perfo, décrit-il. C’est un endroit dirigé par des personnes absolument adorables, avec un restaurant qui engage aussi des gens qui mènent des activités artistiques à côté. Ensuite, on poursuivrait dans plein de bars où il y a souvent des concerts, des lieux gérés de manière communautaire. Pas forcément des squats, mais des bars associatifs avec beaucoup de culture qui se fait à prix libre.»
Des aspects chers à la culture punk qui est la sienne. «J’aime bien les réseaux de gens qui font les choses par eux-mêmes, je me sens proche de ça, souligne l’artiste. Et le tHBBC est tout à fait dans cet état d’esprit: c’est une maison familiale avec un caveau où les gens s’investissent bénévolement pour accueillir musiciens et festivaliers. Ça fait beaucoup plus sens que je joue ici plutôt que sur des grosses scènes avec des gens qui paient des billets assez cher.»
Du punk, mais pas seulement. Et heureusement penseront peut-être certaines oreilles. Car lors de ses 15 concerts au Cully Jazz Festival, Louis Jucker fera montre d’une palette musicale vaste et variée, parfois très folk et évidemment jazzy. Et s’il devait choisir entre Britney Spears et Céline Dion? «Je préfère écouter Britney Spears, mais je préférerais faire la carrière de Céline Dion, sourit le Chaux-de-Fonnier. La première n’a pas l’air d’être très heureuse et épanouie, alors que la deuxième donne l’impression de s’emmerder gentiment dans une routine. Mais si c’est ça comme routine, alors ça va.» Ce n’est pas pour autant un objectif pour lui. «Dans 20 ans, je me vois si possible toujours au même endroit, note-t-il. Parce que je n’ai pas particulièrement évolué, mais plutôt grandi, appris plein de trucs et j’ai l’impression de m’épanouir. Mais je n’ai pas l’intention d’aller ailleurs. Ici, au bord du lac, il y a un arbre qui a été planté en 1798. Je suis volontiers cet arbre en 2040.»