C’est quand même rigolo, ce jazz: ce soir c’était labelisé All Stars, grandiloquence, prestige et tout le tintoin, featuring que des gros bras qui ont des références musicales à faire pâlir de honte n’importe quel prof de conservatoire, avec force label de qualité et assurance-vie sur la virtuosité…
Et puis quoi ? Ron Carter, bassiste attitré de sieur Miles (au passage) est venu à Cully les mains dans les poches, littéralement. Ses musiciens aussi, ses potes de Blue Note également. Il a 45 ans de carrière derrière lui, mais prend ce qu’on lui donne, joue dessus et fait une soirée de miracle: en l’occurrence, la grand-mère de la Swiss Cheese (et celle-là si elle pouvait parler je vous jure que…).
De l’aveu même de notre stage manager: le seul truc que les All Stars de ce soir ont pris avec eux, excepté les cuivres, c’est leurs costards trois pièces, impeccablement repassés. Tout le reste, c’était là, ça traînait. Transformer du plomb en or, ça vous dit quelque chose ? Et allez, pourquoi pas: le jazz c’est l’alchimie résolue, le tout ex-nihilo, l’univers repensé d’un bout de bois…
De quoi se souvenir avec un petit sourire du rack à guitares de mademoiselle Hunger, hier soir, qui devait bien faire la taille d’un stand à gaufres et de l’armada de foutraille spécifique qui jonchait la scène à n’en plus savoir la couleur des planches (bleu).
Non, ce soir c’était regards complices, grands éclats de rire sur scène pour saluer les solis des petits copains, et les vents qui jouaient sans retour. À quoi bon ? Quand on a un trésor dans les mains, pas besoin de sous-marin atomique pour aller chercher un bout de ferraille dans les bas-fonds.