C’est l’invité de la rédaction blog de cette année: Julie Henoch vient ponctuellement nous apporter son point de vue sur les concerts du IN. Premier épisode aujourd’hui avec My Brightest Diamond !
Beau caillou
C’était aussi inattendu que réjouissant de la voir au programme du Cully Jazz. Shara Worden, My Brightest Diamond de son charmant nom de scène, avait chaviré le petit monde du rock indépendant en 2006 en sortant un superbe premier album, Bring Me the Workhorse. On l’avait aussi vue dans de belle collaborations avec Sufjan Stevens ou DM Stith. Grande chanteuse et guitariste, multi-instrumentiste en fait, danseuse parfois, on l’avait pourtant peu souvent vue dans la région.
Sur quelques cordes classiques dissonantes, Shara Worden entre en scène, portant un masque poupin et une robe finement bariolée de rouge et d’orange. Belle marionnette ondulante aux côtés du très chic Earl, son batteur. Elle empoigne une petite guitare acoustique et, en deux claquements de doigts, invite toute la salle à chantonner doucement. Jolie torpeur de fin d’après-midi, alors qu’au dehors, se lève la bise noire. Sa voix, parfaite, cristalline, se moque des passages d’octaves. Prouesse de la facilité. Elle prend ensuite sa grosse Gibson et part frondeuse sur un « Golden Star », dans une gestuelle à la fois souple et vive, avec ces mouvements d’épaules si joliment caractéristiques des beaux guitaristes. Shara Worden est épatante : son univers si particulier et englobant, sa façon de ne pas céder à la séduction facile, sa grande musicalité bien sûr, cette aisance folle qui la rend à la fois touchante et terriblement rock’n’roll. La salle est captivée. Pas un bruit, ou presque (on entend ronronner les frigos du bar). Shara Worden remet son masque et entame une sorte de performance Butoh sur un rythme endiablé. Mais ce n’est plus tout à fait cette danse des ténèbres venue du Japon, une danse lumineuse plutôt, ludique et fascinante. Dans une suite d’accordages savants et de réverbérations de tradition post rock, Shara Worden empoigne tantôt un piano à doigt sur un rythme presque afrobeat, ou se glisse derrière son Wurlitzer. L’espace est rempli, le temps s’évapore, nous assistons à un concert merveilleux. Le set prend fin sur les mots « Love, Love, Love », suivis de deux rappels – dont la superbe « I Have Never Loved Someone » – et autant de standing ovations.