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«Désormais, nous sommes KUMA et plus uniquement les mecs de la jam»

Le quatuor résident du Caveau des Vignerons est devenu un vrai groupe à part entière. Les quatre lascars reviennent sur ce que représente le Cully Jazz Festival pour eux.

Il est vendredi soir, 20h. C’est déjà le huitième et avant-dernier soir de ce 36ème Cully Jazz Festival. A la cantine du staff, dans la file devant le passe-plat, les quatre membres de KUMA attendent leur tour. Comme d’autres artistes du Festival Off, ils mangent presque chaque soir ici. Une fois leur assiette en main, ils prennent place à l’une des longues tables du réfectoire, au milieu des bénévoles. «On a fait une entorse hier pour aller à l’Auberge du Raisin», reconnaît Matthieu Llodra. Celui qui fêtera ses 27 ans trois jours après la fin de l’édition 2018 du «plus intime des grands festivals de jazz en Suisse» est comme un poisson dans l’eau dans ce lieu. «Il y a sept ou huit ans, l’année où je suis entré au Conservatoire de Lausanne, on m’a dit qu’il fallait absolument venir ici, raconte-t-il. Le premier vendredi du Festival, j’ai immédiatement fait connaissance avec Malcolm Braff, un incroyable pianiste, une vraie figure charismatique dans le milieu. Il s’occupait de la musique au Caveau des Vignerons et m’a directement hébergé pendant dix jours: je ne suis reparti qu’à la fin du Festival. Au milieu de la semaine, il m’a confié qu’il cherchait quelqu’un pour lui succéder dans ses tâches.»

 

Entre les deux musiciens, la mayonnaise a vite pris. Après une année de transition en duo avec son prédécesseur, Matthieu Llodra a repris la responsabilité de cette scène emblématique du Festival Off, entouré par le bassiste Fabien Iannone et le batteur Maxence Sibille. Cette année, le saxophoniste ténor Arthur Donnot, grand habitué des jam sessions qui se poursuivent tard dans la nuit culliérane, a rejoint ses trois compères pour donner officiellement vie à un groupe à part entière. «Désormais, nous sommes KUMA et plus uniquement les mecs de la jam, indique Maxence Sibille, entre deux morses de son filet de colin. On a remarqué que beaucoup nous voyaient seulement ainsi, notamment parmi le staff qui vient nous écouter chaque soir après les concerts.»

 

Un nouvel élan

Le but avoué de KUMA est justement d’aller au-delà de cette étiquette, de sortir du Caveau des Vignerons. «Ce n’est certes pas péjoratif comme image, ajoute le batteur de 35 ans. Mais on a envie de montrer que KUMA est un vrai groupe qui propose des vrais concerts avec des compositions à nous et pas juste de l’impro. Avant, quand on était uniquement avec Matthieu et Fabien, on ne faisait certes pas que ça ensemble, mais on avait tous plein d’autres trucs à côté et donc pas forcément beaucoup de temps à consacrer au trio. L’arrivée d’Arthur a donné nouvel élan, tant musicalement qu’au niveau de la motivation.» Matthieu Llodra, après avoir salué des bénévoles venus lui taper sur l’épaule, reprend la parole pour expliquer le nom du groupe. «Kuma signifie ours en japonais: c’est un hommage à Malcolm Braff et à son physique imposant», se marre le claviériste.

 

Malgré ce nouveau statut, le quartet continue à enflammer tous les soirs de Festival le Caveau des Vignerons, après leurs trois sets en tant que KUMA, lors de jam sessions où de nombreux autres musiciens accourent. «Jusqu’à l’an dernier, je venais en tant que jammeur et depuis cette année je suis là en tant que résident: ce sont deux métiers différents, relève Arthur Donnot, avant de s’envoyer une rasade d’eau. Jouer sa propre musique et défendre chaque soir son propre projet, même s’il est tout récent, devant un public, prend beaucoup d’énergie. Il faut se donner à 150%, même si on est fatigué. Même si on arrive au bout du festival, il ne faut pas lâcher.»

 

Alors quand la jam commence, les quatre lascars sont toujours là pour démarrer les joutes et accompagner les nouveaux arrivants, avant de s’effacer pour enfin souffler un peu. «C’est important de réussir à lâcher le fonctionnement de la jam, tout en veillant au maintien d’une qualité musicale de grand niveau, souligne le jeune saxophoniste. Mais pour ça, on est bien aidé par nos amis, par toute la communauté de musiciens incroyables qui débarquent, ceux du Festival Off et même ceux du Festival In parfois. Et finalement, même si j’ai encore beaucoup de plaisir à jouer lors de la jam, je suis désormais plus spectateur qu’acteur.»

 

Un rôle de médiateurs

La mission des résidents est de servir de lien durant la jam. «Cela arrive assez souvent que des gens que l’on ne connaît pas du tout viennent nous demander s’ils peuvent jouer, admet Fabien Iannone. Notre rôle n’est pas de faire la police, mais d’être des médiateurs, pour garder un œil sur ce qui se passe.» Les sessions de jam sont ouvertes, mais il y a des étapes avant de s’y insérer. «Il faut avoir déjà un certain niveau, note le bassiste. En général, on sent tout de suite à l’attitude de la personne qui vient demander si c’est un musicien confirmé ou pas. La culture de la jam passe d’abord par l’écoute de l’autre et la confiance en ce que l’on va jouer.»

 

Il est 20h45, l’heure d’un rapide café est arrivée. Quelques minutes plus tard les quatre potes prennent place au Caveau des Vignerons pour le premier des trois sets de KUMA de la soirée. Plus tard dans la nuit, ils sont rejoints par d’autres musiciens et même par la chanteuse Yazmin Lacey. Ils rendent honneur au jazz, un verre de vin blanc à côté de leurs instruments.

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