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Tango. C’est pas vraiment notre fond de commerce, mais on a craqué, alors tango. Et comme ma perception sur cette musique a changé du tout au tout ces deux derniers mois, à peu près depuis que j’ai découvert ce disque de Daniel Melingo, j’étais en premières lignes, tellement premières que le blanc céleste m’a gagné, quelle tristesse moi qui avait tout tellement bien préparé.

Ce sauvage attaque directement dans ma moelle épinière sans me laisser le temps de grimper là-haut bien en poste bien ouvert, bam, cadeau, mes deux morceaux de coeur et d’os sur album. Pas de batterie. Même pas de percussions. Il faut repenser la musique sur scène du tout au tout, mon petit, c’est un autre monde qui s’ouvre. Celui où la nervosité et le poignet suffisent à créer une pulsion fascinante, prenante, bandante, érotique, celui où les instruments s’expriment d’une manière que je n’avais pas encore soupçonné, glissandos, à-coups, coups de reins. Le mystère vient surtout de la langue, espagnol désolé pas encore eu le temps pas encore eu l’occasion, mais la présence et le corps n’en sont pas moins gigantesques et suffisent largement à me donner cette sensation que je me trouve au bord d’un univers gigantesque et chargé, chargé, chargé de tant de merveilles qui me sont pour une heure accessibles. Quel pied.

Marc Perrenoud j’en attrape que les restes. Le bout de pain qui sert à essuyer l’assiette après un merveilleux plat de résistance. Un éclat, une tension, un grand vide. Cyril me tourne le dos, sans aucune malpolitesse pour me replonger 20 ans en arrière dans mes premiers émerveillements face à son talent innommable. Parce qu’une chose est clair: Marc Perrenoud est un homme de goût, ou du moins du même que le mien: si je fus pianiste, je m’eusse offert exactement cette section rythmique là, parce que c’est la meilleure de Suisse, c’est tout.

Lina ne m’aidera pas pour Brandford. Mon don d’ubiquité, non plus. On y coupe jamais, il y a toujours LE moment classe du festival. Celui-là on se le prend en pleine tronche, et de nouveau du côté des fûts. La folie furieuse des hautes, très hautes sphères, et toujours cet adjectif jazz qui vient se coller si humblement au mythe: malgré les pédigrées et malgré les légendes, la scène est jeu, la musique est jouissance, on rit, on se surprend, on éclate l’autre sans vergogne. Depuis le backstage, le quatuor est une masse compacte, homogène, une hydre à 4 têtes qui se tortille, qui grouille, qui se distord et qui vomi le jazz le plus merveilleusement virtuose et classieux qui soit.

 

Posté par Bureau
mercredi 18 avril 2012
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