Catégorie « Master »

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Aujourd’hui, on quitte les jeunes fougueux et les expérimentations bizarres qui sonnent nouveau. On penche la tête en arrière, et on regarde vers le haut: vers ceux qui méritent une statue bien massive au milieu de la grand-place du Jazz avec une majuscule, vers ces personnalités qui ont permis à la musique qu’on aime tant d’être ce qu’elle est. Et qui passent nous voir à Cully. Tapis rouge, messieurs Hank Jones et Charlie Haden pénètrent dans notre modeste village.

On a parfois un léger sentiment de vertige et de vide, dans ce boulot. Quand on lit des biographie dont les nombres nous font perdre toute échelle, ou que chaque nom débouche sur un espace infini qui mériterait à lui seul une rallonge de stockage dans les disques durs de Wikipédia. C’est un peu ce qui se passe quand on s’attaque à ces morceaux là, alors je l’avoue sans plus attendre: pas d’expérience de live vécue dans une cave ténébreuse, pas de bière partagée avec un musicien adjacent ou une vague connaissance du milieu. On est dans les hautes sphères, mais on ne va pas s’en priver l’accès pour autant !

Charlie Haden (vendredi 9, chapiteau)

Charlie Haden

Charlie Haden

On ouvre la bible du jazz, on y lit que le monsieur a donné son nom à un style. Et dans les lignes qui suivent, ils y sont tous: Ornette Coleman en tête de gondole, suivi par Charles Lloyd, Archie Shepp, Rubalcaba… Mehldau ! Au milieu de tous, un point d’attache: Keith Jarrett, qui le recrute en 68 pour créer son premier trio en sa compagnie. Tu parles d’une référence ! Quelques mots à son sujet, Keith ?

Ok. La petite jam de salon est probablement plus claire que les explications du début, mais on aime bien tout de même. C’était le bon temps, au milieu du bon siècle… Le pianiste aigri continuera son chemin, notre bassiste le sien: celui, imperturbable, de tenir la ligne derrière les grands noms et de faire place belle aux soli avec tact et modestie. Le travail d’un bassiste, quoi. Mais au milieu des années 80, ce qui devait arriver arriva: Charlie Haden monte son propre projet en quartette, l’affuble de son nom et de sa réputation, et part à la conquête de l’univers. West, parce que tous ses membres originels habitent sur la côte Ouest, Californie et soleil. Aujourd’hui, seul le batteur a été remplacé, et le trio autour jouit d’un jeu et d’une expérience de scène communs de plus de deux décennies.

Formation respectée et saluée pour sa constance et son classicisme, il faut tout de même souligner un point: Charlie Haden a réussi là où tant de bassistes ont échoué, dans ce non troppo qui a fait sa marque de fabrique, même depuis qu’il a endossé le rôle de leader. Tout ça nous permet de redéfinir son style avec un peu plus de précision et un peu moins de modestie: le jeu « hadénien » sur lequel les chroniqueurs en manque d’inspiration s’étalent sans conviction, c’est tout simplement un exemple parfait du travail correctement effectué par le bassiste dans une formation « classique ». Un jeu qui ne s’est pas borné à servir d’influence pour toutes les générations qui viendront après, mais qui a réellement défini la place que doit tenir la basse dans le jazz contemporain.
Et si les extraits ci-dessus résonnent à vos oreilles comme des mauvais souvenirs d’une musique chiante diffusée par défaut dans le salon de vos parents lors de soirées interminables avec des invités rébarbatifs, c’est que vous n’avez jamais pris la peine de vous déplacer pour vous plonger en live dans un vrai, beau concert de jazz. Voilà une excellente occasion pour vous rattraper.

Allez-y écouter: http://www.myspace.com/charliehaden
Et pour plus d’infos: http://www.charliehadenmusic.com/
Convaincu ? Achetez les billets ici !

Hank Jones (vendredi 9, Temple, 2 concerts)

Je parlais des chiffres qui donnent le vertige, en voilà un exemple: Hank Jones est né en 1918. Sa première tournée locale se fait en 1931. En 1944 il est célèbre et joue dans les clubs de New-York.

Hank Jones

Hank Jones

Alors, qu’écrire sur un musicien qui a traversé le siècle ? Comment définir un style qui a évolué durant huit décennies ? On ne va pas refaire l’histoire du jazz ici, j’en serais bien incapable et d’autres sont payés pour ça. On va juste pousser la porte de son salon et l’écouter nous raconter deux anecdotes en définissant le bebop:

À relever, outre le fait que son piano n’est pas accordé: « To me, music consists of melody, rhythm and harmony. » Trois axes, trois critères assez exclusifs. Trop pour le nouveau siècle, bien assez pour son cursus et son parcours incroyable. Une vision de la musique qui lui a permis de rester totalement perméable à ce qui se déroulait autour de lui, et de modifier son jeu et ses envies à loisir, de conserver une ligne claire sans jamais quitter une insatiable curiosité d’apprentissage et de nouveauté. Sa discographie en témoigne: autant de titres à faire valoir en tant que leader que de disques enregistrés avec d’autres formations, un perpétuel aller-retour entre l’expérience du solo et celle de groupes, disparates et merveilleusement divers.
Chez nous, c’est en solo. Quelque chose qui sonnera comme:

mais dans un temple villageois de 300 places plutôt que dans une salle grandiloquente pleine à craquer.

Comme un grand-père bienveillant, Hank Jones vient poser ses mains sur le piano de Cully pour nous raconter une belle histoire: celle du jazz du XXème siècle dont il a façonné le cours tout en se laissant influencer en retour. Ce jazz universel avec lequel il a entretenu un fabuleux dialogue qui lui a permis de patiemment se construire, sans jamais oublier de se remettre en question, encore et encore.

Et pour que plus de monde puisse en profiter, il nous fera deux concerts de suite. À 91 ans. Normal !

Pour plus d’infos: http://www.officialhankjones.com/
Convaincu ? C’est sold-out ! Il faudra vous battre pour obtenir un des 40 (2×20) billets mis en vente sur place le soir même !

Posté par Bureau
lundi 1 mars 2010
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