Les tigres de l’Afrique

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Alors que notre beau pays alpin traverse une jolie période de cramine intensive et que la majorité d’entre vous (d’entre nous) revient tout juste des vacances de ski, profitons de la programmation du festival pour s’offrir un bon rayon de soleil. Et là, on ne parle pas de la terrasse sur les pistes où ça sent bon la friture et le burger froid. Direction l’Afrique, la savane, ses cordes et ses bois.

Imperial Tiger Orchestra (mercredi 14, Chapiteau)

Imperial Tiger Orchestra

Imperial Tiger Orchestra

Avant de s’envoler, on reste un moment à Cointrin. Et comme notre vol est retardé, on s’offre une petite visite de la Genève internationale et plurielle qui nous a déjà donné tant d’occasions de louer les mérites de sa scène dynamique et novatrice. Là, on va rencontrer six gaillards aussi blancs que Frank Black, mais dont la musique est aussi noire que Barry White*: six bons genevois qui forment un orchestre impérial, ou plutôt qui forment l’orchestre du tigre impérial. Pas de tigre en Afrique ? Pas de racine franchement africaine pour cette clique, mais juste un point de départ, celui de l’Ethiopie des années 70, sa musique et sa culture. Choix singulier, qui en réalité surfe sur la vague à peine déferlante de l’afro-beat, genre prisé autant par les fumeurs de pétards en manque de lourdes sensation que par les gens de bon goût.
Vous allez comprendre:

Du répétitif, de l’hypnotique, des boucles qui flirtent avec un stoner instrumental qui aurait fait une halte un peu trop prolongée à Addis Ababa.
Six mecs qui prennent leur pied, qui hochent sérieusement de la tête et qui se laissent diriger par les pulsions et par leurs souffles. Deux cuivres mais surtout une section de quatre musiciens à la rythmique fascinante, addictive, capables de se plonger et de nous plonger pendant de longues minutes au plus profond du berceau du Nil, recréant un microcosme complexe sur scène où l’entente est impeccable. Le public est sévèrement accro, leurs prestations sont de plus en plus prisées, et par définition toujours trop courtes. Un vrai trip, une connexion directe entre le pied du Salève et les hauts plateaux enneigés de l’est du continent Noir.

Allez-y écouter: http://www.myspace.com/imperialtigerorchestra

Et pour plus d’infos: http://www.google.ch
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Femi Kuti and The Positive Force (mercredi 14, Chapiteau)

Femi Kuti

Femi Kuti

Poing levé, les amis. On parlait d’afro-beat ? Parlons d’Afrobeat. Chez Femi, on substantive sans gêne cet anglicisme, puisqu’il en est le fier créateur et son éternel fer de lance engagé.
Il nous dit: « Afrobeat is a form of high-life, traditional african music, jazz, gospel african music ».
Le gospel est le lien qui le relie à son passé, qui reliait déjà son grand-père à son père. Celui-ci a croisé la route de Miles, celle des Black Panthers et celle de toutes les causes des Nigérians émigrés aux States. Un passé lourd de sens, un héritage à s’en faire péter les épaules et plier la colonne vertébrale en deux, une charge intenable qu’il faut alléger par des lives terribles et exutoires. Mot-clé: bête de scène. Et dans bête de scène il y a bête, et quand on a le fils de Fela Kuti en face de soi, on a peine à se rappeler que les tigres ne vivent pas dans la savane du Nigeria. Music is a weapon of mass destruction, disait un autre noir dans un autre contexte, dans le nôtre on peut ajouter qu’il sert aussi à reconstruire en masse, à reforger un espoir et à bâtir un combat féroce et inpitoyable. L’Afrique a mal à ses multinationales, à sa corruption et à ses guerres civiles. Femi le hurle sur scène, bande ses muscles et se laisse entraîner par la transe des rythmiques frénétiques qui accélèrent la cadence de ses compositions.


Une expérience collective forte, qui peut aussi virer dans l’impressionnant, voire le démesuré. Perte de soi, perte de contrôle. Se confronter avec un concert de Femi Kuti c’est quelque part se confronter immédiatement avec l’immense détresse Africaine actuelle, s’exposer à sa violence et à son ambivalence. On en sort pas vraiment indemne, et afin de s’y préparer, rien de mieux qu’un petit tour sur la toile pour se documenter. Le web est riche en reportages qui mélangent messages politiques, documentaires et extraits de concerts ravageurs.

Direction: http://shrinetv.com/
Allez-y écouter: http://www.myspace.com/femikuti

D’autres vidéos: , ici et .
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Staff Benda Bilili (vendredi 16, Chapiteau)

Staff Benda Bilili

Staff Benda Bilili

Restons dans la corne africaine, glissons un peu plus au Sud, direction Kinshasa. Dans son zoo, une étrange troupe mène depuis quelques années un autre combat, pas moins engagé et pas moins féroce que celui de Kuti, mais qui sonne différemment et qui utilise un angle d’approche jusqu’ici totalement inédit.
Un véritable conte de fées, en fait: une poignée de victimes de la polio se regroupe au centre de la capitale de la république démocratique du Congo et commence à faire de la musique avec ce qu’ils trouvent, récupérant de vieux instruments, les construisant de toutes pièces parfois. La sauce prend. Leur succès grandit, les médias les repèrent. On les compare parfois au Buena Vista Social Club, dans l’idée de la bande engagée partie de rien pour en faire tout, dans cette idée de faire passer un message par leur musique et par leur talent. 2005, leur destin est ancré: ils interviennent sur le plan politique et poussent leur peuple aux urnes par une chanson intitulée « Allons voter ». Ultime tremplin qui leur donnera l’accès aux scènes internationales, et une belle histoire qu’ils continuent à vivre, béats.
Petit documentaire parisien en deux épisodes pour reposer vos méninges:





Des paroles touchantes, une spontanéité et une fraîcheur qui font du bien, comme leur nom qui sonne un peu comme un gag. Et pourtant, rien n’est plus sérieux que le message qu’ils véhiculent et la fonction qu’ils affublent à leur musique qui sort comme un aveu, comme un don qu’ils doivent utiliser pour vivre. Quand poliomyélite rime avec polyvalence, quand les mains relayent le coeur et la pulsion de vie pour créer des sonorités franches et entraînantes.
Autant dire qu’accueillir Staff Benda Bilili à Cully est pour nous quelque chose d’extrêmement signifiant, de très touchant, et que leur concert sera une étape importante dans notre panorama de la musique africaine contemporaine.
Encore un petit extrait de live au cas où vous ne seriez pas encore totalement séduits:

Allez-y écouter: http://www.myspace.com/staffbendabilili

Et pour plus d’infos: http://staffbendabilili.com/
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* Si vous avez une vague impression de déjà-vu sur ce calembour désopilant et linguistiquement sophistiqué, vous étiez un très bon teenager quand Bloodhand Gang terrorisait la population, c’est bien.
Posté par Bureau
dimanche 14 février 2010
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