Les compte-rendus de Julie: Daniel Melingo

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C’est l’invité de la rédaction blog de cette année: Julie Henoch vient ponctuellement nous apporter son point de vue sur les concerts du IN. Second épisode avec Daniel Melingo.

Il est marrant, le public du tango… très entre deux âges, limite grisonnant, petite jaquette jetée sur les épaules, mais qui joue sévèrement des coudes afin d’avoir la meilleure place pour admirer Melingo. Une petite bousculade nécessaire, car on ne va pas vraiment « écouter », on va surtout « voir » cet ancien punk, puis présentateur de télé et tangero argentin, mis sur le devant de la scène en 2004 par l’un des membres du Gotan Project et son label Mañana.

Regard de braise, tenue parfaite, chapeau de traviole sur une toison poivre et sel hirsute, complet noir bien repassé, pantalon à plis, manteau 3/4, souliers vernis et foulard soyeux mauve au cou : la classe incarnée. Melingo est un vrai conteur, il accompagne ses paroles de gestes explicites, tangue, danse dégingandé de parts et d’autres de la scène. Il fait l’andouille aussi, de drôles de bruits de bouche, il louche, se gratte les cheveux, le cul, joue du pipo avec son micro, fait le clochard, enlève ses pompes… Le théâtre un peu foldingo d’un clown triste attachant. Si son dernier album est plus traditionnel que les précédents, l’énergie globale reste aussi rauque que sa voix, sombre et intrigante. Pour faire vite, on dirait que Melingo est un peu le Tom Waits du tango. Son groupe, composé de trois beaux argentins – aux guitares, contrebasse, bandonéon, mandoline, scie musicale – et d’une belle violoniste, enchaîne les titres, et offre deux interludes musicales superbes, évitant ainsi à une certaine monotonie de s’installer. Et il y a ces petits riffs de guitare, par ci, par là, qui entonnent les Beatles mine de rien, ou dont la disto est un peu trop forte. Il y a aussi ces quelques instants où Melingo prend sa clarinette, et souffle ou crie à travers, fort. Minutie punk, poésie bruitiste. L’émotion, qui a mis peu de temps à s’installer, monte en crescendo, et ne quitte plus la salle. Adio Compadre ! Une standing ovation plus tard (encore une!), Melingo revient et fait mine de jouer de la guitare nonchalamment, pour rire… une douze corde, pas très bien accordée, qui plonge en mineur et vous tire les larmes avec le titre éponyme et magnifique de son dernier album, Corazon y Hueso, littéralement, coeur et os.

Posté par Bureau
jeudi 19 avril 2012
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Compte-rendu

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